[ACCI-CAVIE] Émergence et secteur parapublic en Afrique sont les thèmes traités dans « Agences publiques d’exécution face au défi de la performance ». Un ouvrage publié par Dr Lansana Gagny Sakho, secrétaire général du Centre africain de veille et d’intelligence économique et ancien représentant résident du CAVIE au Sénégal.
Propos de l’auteur :
« Comme un effet de mode, les dirigeants africains ont adapté à leurs discours le thème de l’émergence pour évoquer les ambitions économiques de leurs pays respectifs. Près de la moitié des économies africaines disposent d’un plan national visant à accéder à l’émergence à court, moyen ou long terme. À titre d’exemple, l’ambition du Plan « Sénégal émergent » est d’en faire un pays émergent à l’horizon 2035. Au Gabon (« Plan stratégique Gabon émergent »), cet objectif devrait être atteint dès 2030. Cet optimisme a poussé l’Union africaine à élaborer en 2015 le document de l’Agenda 2063 sous le vocable « l’Afrique que nous voulons », document qui se veut tout à la fois volontariste, mobilisateur et inspirant, pour faire de l’Afrique le continent du XXIe siècle.
« A l’image du Sénégal, beaucoup de pays africains se sont servis du slogan de l’émergence pour promettre un avenir radieux aux populations. Ces projections symboliques dans un futur « émergé » sont souvent déconnectées des réalités des populations locales. Les croissances tant vantées pendant les périodes d’émergence ont rarement été synonymes de développement social. Bien au contraire, les inégalités se sont très profondément creusées et le nombre de pauvres a augmenté dans la grande majorité des pays africains. La principale leçon à retenir est qu’on ne peut pas conduire de politique d’émergence sans la mise en œuvre de réformes courageuses. Les pays africains doivent également réinventer, la qualité de leur leadership : Un leadership vertueux, doté d’une vision stratégique et appuyé par une administration publique performante est la seule alternative qui s’offre au continent africain.
« Le prétexte des stratégies d’émergence a également été le prétexte de mutations majeures dans les administrations africaines. Il a été supposé que l’administration centrale n’était pas assez performante. Nous avons à cet effet assisté un bouleversement de l’organisation classique de l’État avec un transfert de certains pouvoirs de l’administration publique à une grande diversité d’entités du secteur parapublic. Ce processus de réformes administratives a, entre autres, comme objectif le renforcement de la performance de la gestion publique afin d’assurer un service public de qualité́́ rendu au citoyen-usager. Cette démarche n’est pas nouvelle, elle a comme soubassement le New Management Public (NPM).
« Le Sénégal, à l’instar de beaucoup de pays africains, s’est inscrit cette stratégie. Cependant, d’un objectif de modernisation, on est passé à une externalisation excessive conduisant à une profusion de structures d’exception qui reprennent certaines missions de service public sans cependant apporter une réelle valeur ajoutée par rapport aux administrations traditionnelles.
- La fonction ressources humaines qui devait constituer un support de performance est traitée en parent pauvre. La nomination des chefs des organes exécutifs obéit très rarement à des critères de performances.
- Les organes délibérants qui devaient jouer un rôle un rôle d’une grande importance ressemble plus à des organes consultatifs. La forte prépondérance des représentants de l’État au niveau installe un monolithisme de fait et un conformisme qui restreignent sensiblement l’autonomie de l’agence et l’éventail des options à sa disposition.
- Nulle part dans les textes il n’est envisagé la possibilité de révocation d’un directeur général du fait de l’engagement de sa responsabilité personnelle sur les résultats du contrat de performance de de l’agence qu’il dirige. Pourtant, si l’on respecte l’esprit du contrat de performance, c’est le résultat de l’évaluation finale qui devrait commander le maintien ou la révocation du Directeur général.
« Les pratiques dans la gouvernance du secteur public au Sénégal semblent être une constante sur le continent. Il est impérieux de rompre avec des pratiques peu conformes avec l’exigence de performance et d’adopter des comportements plus respectueux des principes qui guident la gouvernance des entreprises performantes.Cependant, il serait hasardeux de tirer des conclusions hâtives ; des pays comme le Rwanda, le Royaume du Maroc, le Benin et la Côte d’Ivoire semblent avoir montré la voie. On retombe sur la même question du leadership. »
La Rédaction (avec Dr Lansana Gagny Sakho)