Intelligence stratégique en Afrique : résister aux influences extérieures

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[ACCI-CAVIE] Dans le nouvel échiquier mondial, où l’information est l’ultime champ de bataille et la connaissance le bouclier le plus résistant, l’Afrique se doit d’opérer une mue radicale. Le continent, trop longtemps objet d’études et d’influences extérieures, doit désormais s’ériger en sujet pensant, agissant et protecteur de ses propres intérêts. Cette ambition passe par la sanctuarisation de son intelligence stratégique, rempart indispensable contre la perpétuation d’une colonisation insidieuse de la sphère des idées.

Le Centre africain de veille et d’intelligence économique (CAVIE), acteur précurseur et visionnaire, a posé les jalons de cette doctrine en définissant l’intelligence stratégique comme « un état d’esprit, un processus et un dispositif de questionnement, de collecte, de traitement, d’analyse et de transmission légaux, rapides et sécurisés du renseignement stratégique utile à la prise de décision en territoire concurrentiel, incertain ou hostile. » Cette définition n’est pas qu’un simple énoncé ; elle est une feuille de route pour une autodéfense intellectuelle et économique, un plan de bataille pour la souveraineté continentale.

L’histoire a démontré que la puissance ne se mesure pas uniquement à la force des armées, mais aussi à la maîtrise de l’information et à la capacité à orienter les narratifs. L’Afrique, riche de ses ressources naturelles et humaines, demeure extraordinairement vulnérable aux manipulations informationnelles, aux intrusions dans ses sphères décisionnelles et à l’imposition de modèles de pensée exogènes. Cette perméabilité aux influences étrangères, qu’elles soient d’ordre politique, économique ou culturel, menace de figer le continent dans un cycle de dépendance, où ses propres aspirations sont subverties par des agendas externes.

Il est temps pour l’Afrique de prendre la mesure de cette menace diffuse mais omniprésente. La sanctuarisation de l’intelligence stratégique n’est pas un acte d’isolationnisme, mais une affirmation de souveraineté. Elle implique la protection de nos données stratégiques, la maîtrise de nos chaînes de valeur de l’information et la promotion d’une pensée endogène, capable d’analyser les problématiques africaines avec des grilles de lecture africaines. Sans cette autonomie intellectuelle, le risque est grand de voir la « colonisation de la sphère des idées » se perpétuer, transformant nos décideurs en exécutants de stratégies conçues ailleurs, et nos consultants et populations en réceptacles passifs de discours étrangers.

Cette sanctuarisation exige d’investir dans les capacités nationales et régionales d’intelligence stratégique. Il ne s’agit plus de recevoir des analyses « clés en main » de l’extérieur, mais de bâtir nos propres centres d’excellence, de former nos propres experts et de développer des outils adaptés à nos réalités comme s’y attèle le CAVIE depuis sa création en août 2025. Cela requiert une véritable posture entrepreneuriale, où la donnée est une matière première à transformer en valeur ajoutée stratégique, où l’information est un capital à protéger et à fructifier.

C’est dans cette voie que le CAVIE, en l’espace d’une décennie, a tracé un sillon profond et singulier. Le Centre a su puiser le meilleur des pratiques mondiales en matière d’intelligence stratégique, non pas pour les importer aveuglément, mais pour les adapter au contexte spécifique du continent. En définissant notamment un référentiel africain et en s’enracinant toujours davantage dans les problématiques locales, le CAVIE a démontré qu’une intelligence stratégique africaine est non seulement possible, mais aussi puissamment efficace.

Sa force réside dans son approche asymétrique, celle du faible au fort, articulée autour du triptyque vital : défense-attaque-influence. La défense des actifs informationnels, la protection des vulnérabilités ; l’attaque des marchés et des opportunités par une prospection agressive et une anticipation des menaces ; et l’influence, par la diffusion de narratifs proprement africains et la déconstruction des récits fallacieux. Ce modèle, forgé dans la réalité africaine, est la clé pour une résilience accrue et une offensive stratégique maîtrisée. « Le temps des batailles perdues faute d’infos est révolu. L’Afrique est mûre pour écrire sa propre histoire et l’intelligence stratégique en est le calame le plus aiguisé », selon le Docteur Guy Gweth, président du CAVIE.

Sharon Emade