[ACCI-CAVIE] Au cœur des impératifs stratégiques pour l’essor du continent africain se niche une problématique centrale : l’accès aux données sur les marchés. Cette question, loin d’être une simple affaire technique, constitue un enjeu fondamental de souveraineté et de compétitivité économiques, une arène où se joue une part significative de la guerre économique contemporaine. C’est dans ce contexte crucial que la 8ème édition des Journées africaines de l’intelligence économique (JAIE), orchestrée par le CAVIE, place délibérément ce thème parmi les « urgences de l’intelligence économique africaine ».
L’accès aisé, fiable et actualisé aux données de marché représente un avantage compétitif inestimable pour les acteurs économiques africains, qu’ils soient publics ou privés. Sans une connaissance approfondie des dynamiques de l’économie informelle, de l’offre et de la demande, des flux commerciaux, des comportements des consommateurs et des spécificités réglementaires, les entreprises locales se trouvent désarmées face à une concurrence souvent mieux informée. Cette asymétrie informationnelle entrave leur capacité à innover, à conquérir des parts de marché et, in fine, à contribuer pleinement à la prospérité de leurs nations.
L’intelligence économique africaine telle qu’initiée et théorisée par le Dr Guy Gweth, président en exercice du Centre africain de veille et d’intelligence économique (CAVIE), dans son rôle de catalyseur stratégique, se révèle indispensable pour pallier ces carences. Elle ne se limite pas à la simple agrégation de chiffres, mais s’attache à décrypter les signaux faibles, à descendre sur les marchés, à identifier les tendances émergentes, à interroger les acteurs les mieux renseignés, et à transformer des données brutes en renseignements utiles à la prise de décision. Une démarche rigoureuse d’intelligence économique permet ainsi d’anticiper les évolutions réelles du marché, d’identifier les niches de croissance et d’adapter les stratégies locales.
Cependant, l’accès aux données sur les marchés africains est souvent entravé par une multitude d’obstacles. La fragmentation des sources d’information, le manque de standardisation des données, les coûts prohibitifs de leur acquisition et, parfois, une certaine opacité des systèmes d’information et une corruption endémique, constituent autant de défis à surmonter. L’intelligence économique africaine doit donc s’atteler à structurer cet écosystème informationnel, en favorisant le partage de données fiables, en encourageant la mutualisation des ressources et en développant les compétences nécessaires à leur analyse rapide.
Par ailleurs, la question de la souveraineté des données se pose avec une acuité particulière. Il est impératif que les États africains se dotent des moyens de contrôler la collecte, le stockage et l’utilisation des données relatives à leurs propres marchés. Selon le CAVIE, la dépendance excessive à des sources d’information exogènes crée des vulnérabilités stratégiques et une perte de maîtrise sur des informations pourtant cruciales pour le développement endogène.
Dès lors, le panel prévu lors des JAIE2025 sur l’accès aux données ne saurait se limiter à une simple discussion technique. Il promet d’engager une réflexion politique et stratégique urgente sur la manière dont les nations africaines peuvent s’approprier cet actif informationnel, le transformer en un levier de puissance économique et garantir ainsi une plus grande autonomie dans un contexte de compétition mondiale exacerbée et brutale. L’intelligence économique apparaît ainsi comme un instrument essentiel pour transformer la contrainte de l’accès aux données en une opportunité de croissance et de souveraineté pour le continent.
La Rédaction