Guerre en Ukraine : farines locales, l’avenir de l’alimentation en Afrique ?

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[ACCI-CAVIE] Face à la menace de pénuries alimentaires aggravée par la guerre en Ukraine, l’Afrique se tourne vers ses propres ressources. Le sorgho, le millet, le fonio, le manioc et d’autres céréales ou légumineuses cultivées localement pourraient en effet se substituer au blé russe et ukrainien, dont le continent est largement dépendant.

En raison du conflit armé qui oppose la Russie à l’Ukraine, respectivement premier et quatrième exportateurs mondiaux de blé, le monde court le risque, selon certains analystes, d’une crise alimentaire majeure. Première zone importatrice de cette céréale dans le monde : l’Afrique du Nord, qui en achète chaque année environ 30 millions de tonnes.

Et, comme on pouvait s’y attendre, les pays du Maghreb traversent des moments pour le moins critiques. L’Égypte et la Tunisie, notamment, s’activent pour constituer des stocks stratégiques de blé, qui est un composant essentiel de l’alimentation des populations. Tout est mis en œuvre pour éviter un nouveau Printemps arabe.

Marges soutenables

L’Afrique subsaharienne n’est pas en reste. Elle subit, elle aussi, les effets de la hausse vertigineuse du prix du blé (environ 70% depuis le mois de janvier 2022). En effet, depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19, les meuniers, les boulangers, les distributeurs et les commerçants africains de la filière blé ont vu leurs profits se réduire comme peau de chagrin, au rythme de la flambée des prix.

Rappelons au passage que, dans la plupart des pays africains, le pain est l’une des rares denrées alimentaires de première nécessité dont le prix n’a subi aucune augmentation depuis une dizaine d’années. Et pour cause, les prix sont réglementés par les ministères du Commerce.

Gastrodiversité

Ainsi, pour rester dans des marges soutenables, certains acteurs de la filière pain ont recours, en ces temps de vaches maigres, à une stratégie commerciale redoutable : la « réduflation ». Ce mot-valise, contraction des termes « réduction » et « inflation », désigne la pratique qui consiste à diminuer la quantité d’un produit tout en maintenant – voire en augmentant – son prix.

Par exemple, 200 grammes de pain coûtent 125 francs CFA au Cameroun. Dans le cas d’une réduflation, ce poids passera de 200 à 190 grammes tandis que le prix, lui, sera maintenu à 125 francs CFA. Et bien que ce prix soit officiellement passé de 125 à 150 francs CFA depuis quelques jours, il semble que cette pratique a toujours cours.

Pour se prémunir des conséquences de cette guerre, qui se déroule pourtant à des milliers de kilomètres de chez eux, les pays africains devraient miser sur leur gastrodiversité. Autrement dit, sur la pluralité de leurs spécialités alimentaires. La plupart des États d’Afrique subsaharienne peuvent en effet tirer leur épingle du jeu grâce à la production de farines locales, qui présentent en outre l’avantage d’être à la fois panifiables et sans gluten.

Quatre familles de plantes sont pourvoyeuses de ces farines locales. Il y a, tout d’abord, des farines à base de céréales telles que le sorgho, le millet, le fonio, le teff et le maïs. Ensuite, celles à base de tubercules, comme le manioc, la patate, le macabo, le taro et l’igname. Puis, les légumineuses, principalement la cornille et le niébé. Enfin, celles fabriquées à base de fruits, comme le plantain et, dans une certaine mesure, la banane.

Beignets de cornille ou de manioc

Toutes ces farines sont depuis très longtemps utilisées dans la pâtisserie locale, notamment pour fabriquer des beignets : de cornille, de manioc, de banane, souvent associés à de la farine de maïs, de plantain, de sorgho ou de millet.

Le pain enrichi en farines locales est – et demeure – l’alternative efficace pour réduire considérablement les importations de blé. Sur le continent, des chercheurs et ingénieurs agronomes suggèrent d’utiliser jusqu’à 30% de farines locales pour fabriquer une baguette de pain. À l’heure où les cours mondiaux du blé atteignent des records, il revient aux États africains de prendre davantage de mesures incitatives et normatives en vue de promouvoir ces farines.

La Rédaction (avec TB et CA)