Le chômage au Maroc dans l’œil de l’intelligence stratégique, Par Dr Ghizlane SALAM

You are currently viewing Le chômage au Maroc dans l’œil de l’intelligence stratégique, Par Dr Ghizlane SALAM

[ACCI-CAVIE] Le taux de chômage au Maroc est un sujet de préoccupation majeur, avec des chiffres qui révèlent une situation alarmante. Selon le dernier rapport du haut-commissariat au plan, le taux de chômage grimpe à 13,7% au premier trimestre 2024, contre 12,9% au cours de la même période, l’année dernière, impactant principalement les jeunes et les femmes. Cette situation pose de nombreux défis pour le développement économique et social du pays que l’intelligence stratégique peut aider à décrypter.

En effet, l’évolution exponentielle des chômeurs au Maroc peut être expliquée par diverses raisons aussi bien économiques et sociales que juridiques et culturelles :

Croissance économique inadéquate : malgré les efforts pour stimuler l’économie, la croissance marocaine reste insuffisante pour créer un nombre significatif d’emplois. Les secteurs traditionnels tels que l’agriculture, bien qu’importants, ne génèrent pas assez de nouvelles opportunités. De plus, les industries émergentes comme les technologies de l’information et de la communication (TIC) et les énergies renouvelables n’ont pas encore atteint leur plein potentiel.

Education et formations inadaptées : il existe un décalage important entre les compétences enseignées dans les établissements d’enseignement et les besoins du marché du travail. Les programmes éducatifs sont souvent trop théoriques et ne préparent pas adéquatement les jeunes aux exigences professionnelles. Ce manque de formation pratique et d’orientation vers les métiers techniques et professionnels aggrave la situation.

Bureaucratie et environnement des affaires : la lourdeur administrative et la corruption représentent des obstacles majeurs pour les entreprises. Les processus complexes et les coûts élevés liés à la création et à la gestion d’entreprises dissuadent les investisseurs, tant locaux qu’étrangers, de créer de nouvelles opportunités d’emploi.

Secteur informel dominant : une grande partie de l’économie marocaine opère encore dans le secteur informel, où les emplois sont souvent précaires et non réglementés. Bien que ce secteur absorbe une partie de la main-d’œuvre, il ne contribue pas de manière significative à la réduction du chômage officiel et n’offre pas de protections sociales adéquates aux travailleurs.

 Face à ces données, plusieurs constats doivent être mis sous surveillance :

Chômage des jeunes : le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) est particulièrement préoccupant. Cette situation crée un sentiment de frustration et de désespoir parmi la jeunesse, qui peine à trouver des opportunités d’emploi correspondant à leurs qualifications.

Inégalités de genre : point toujours en mode discussion puisque les statistiques sont très loin de la réalité. En effet, les femmes sont particulièrement touchées par le chômage, en grande partie en raison des normes socioculturelles restrictives et du manque de soutien pour équilibrer vie professionnelle et vie familiale. Le taux de participation des femmes au marché du travail reste l’un des plus bas de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord).

Disparités régionales : le chômage varie considérablement selon les régions, avec les zones rurales étant souvent plus touchées que les zones urbaines. Les disparités régionales sont exacerbées par une inégale répartition des investissements et des infrastructures.

Cette analyse nous a amené à proposer une liste de solutions qui nous paraissaient légitimes mais surtout urgentes :

Réforme de l’éducation et de la formation professionnelle : il est impératif de réformer le système éducatif pour mieux aligner les compétences des diplômés avec les besoins du marché du travail. Cela inclut la promotion des filières techniques et professionnelles, l’intégration de stages et de formations en entreprise dans les cursus, et le renforcement des partenariats entre les institutions éducatives et le secteur privé.

Amélioration du climat des affaires : simplifier les procédures administratives, lutter contre la corruption, et offrir des incitations fiscales et financières aux investisseurs sont des mesures cruciales pour encourager la création d’emplois. Booster encore plus la création de zones économiques spéciales et de pôles industriels peut également attirer des investissements étrangers.

Soutien à l’entrepreneuriat avec de nouveaux programmes public-privé : encourager plus encore l’entrepreneuriat parmi les jeunes et les femmes en offrant des programmes de financement, de mentorat, et de formation peut stimuler la création de nouvelles entreprises et d’emplois, et ce en forte concertation entre le milieu scolaire et le monde professionnel.

Développement des infrastructures et des services : investir dans les infrastructures, notamment dans les régions défavorisées, est essentiel pour réduire les disparités régionales. Des services de transport, de communication, et d’énergie fiables et abordables peuvent stimuler l’activité économique locale.

En conclusion, le taux de chômage au Maroc est un défi complexe qui nécessite une approche multidimensionnelle pouvant mobiliser la grille de lecture de l’intelligence stratégique africaine. En adoptant des réformes structurelles, en investissant dans l’éducation et les infrastructures, et en soutenant davantage l’innovation et l’entrepreneuriat, le Maroc peut espérer réduire le chômage et assurer un avenir plus prospère pour tous ses citoyens.

Dr Ghizlane SALAM

Représentante résidente du Centre africain de veille et d’intelligence économique au Maroc