[ACCI-CAVIE] La Chine est en train de revoir sa stratégie de financement des projets en Afrique. Les prêts chinois à l’Afrique sont en nette diminution, conséquence du ralentissement de la deuxième économie mondiale, mais aussi parce que Pékin veut désormais financer des projets avec des retombées positives en termes d’image.
Les trois années de covid en Chine ont fait des dégâts et le continent africain apparait comme une victime collatérale. Confrontée à une crise immobilière sans précédent, à un endettement record de ses collectivités et à une conjoncture internationale moins propice aux affaires, la deuxième économie mondiale n’a plus les moyens de continuer à déverser des milliards de dollars d’investissements en Afrique, comme elle le faisait encore dans les années 2015. Pour le chercheur chinois Chen Gong qui à la tête d’un groupe de réflexion sur l’économie de la Chine, Pékin n’a aujourd’hui plus vraiment le choix : « Au début de l’année, lors du Forum de Davos, le premier ministre Li Qiang a annoncé que le taux de croissance de la Chine pour 2023 était à 5,2 %. L’objectif du gouvernement a été atteint, mais il est clair que l’économie chinoise a quand chuté par rapport aux objectifs de croissance précédents. Dans ces conditions, les bureaux financiers chinois n’ont plus la capacité d’accorder des prêts importants à l’Afrique. C’est le cas aujourd’hui et pour un certain temps encore. Si la situation économique intérieure de la Chine est faible, les investissements à l’étranger seront fortement affectés. »
Un affaiblissement des relations économiques ?
En raison de ses difficultés intérieures, la Chine a revu ses priorités. Les deux institutions à l’origine de la plupart des prêts à l’Afrique, la Banque de développement de Chine et la Banque d’import-export de Chine, ont redéployé leurs investissements pour soutenir l’économie nationale. En 2022, les prêts souverains aux pays africains sont tombés à leur plus bas niveau depuis deux décennies. Moins d’un milliard de dollars prêtés, alors que la moyenne annuelle depuis 2000 était autour de 7 milliards de dollars, selon une base de données de l’université de Boston, spécialisée dans les prêts chinois à l’Afrique.
Cela ne signifie pas que la Chine veut se désengager de l’Afrique. Le continent africain reste au cœur du grand projet chinois des Nouvelles routes de la soie, mais la stratégie a évolué. Ça a été expliqué en octobre dernier à Pékin lors du forum « Ceinture et route ». La Chine ne veut plus financer de gros projets d’infrastructures, souvent critiqués pour leurs effets dévastateurs sur l’environnement. Pékin dit vouloir privilégier des projets de plus petite taille, 50 millions de dollars maximum, avec des retombées sociales positives.
C’est une question d’image pour Pékin qui veut aussi limiter le risque financier. Le risque de ne plus être remboursé par des pays africains de plus en plus endettés, explique Mary-Françoise Renard, professeur émérite d’économie à l’Université de Clermont-Auvergne et autrice de La Chine dans l’économie mondiale aux Presses universitaires Blaise Pascal : « Au début de l’engagement de la Chine, il y a eu beaucoup de prêts qui ont été accordés sans véritable analyse économique. On a prêté un peu à tout-va. Certains ministres africains disaient, avec la Chine, il suffit de demander pour qu’on ait de l’argent. Et là, la Chine redresse un peu la barre, car les risques sont quand même relativement élevés. Donc le premier objectif, c’est de limiter les risques. »
La Chine souhaite en tout cas rassurer les pays africains. En visite en Côte d’Ivoire la semaine dernière, le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi a dit vouloir approfondir les liens. Et si le régime communiste réduit la voilure, les investisseurs privés chinois eux restent très actifs en multipliant les projets sur le continent africain. Le tout dernier en date, lancé avant-hier et ce n’est qu’un exemple : la construction d’une usine de pales d’éoliennes dans la région Nador dans le nord du Maroc.
La Rédaction (avec SB et CA)