ZLECAf : l’intégration économique africaine à l’épreuve des réalités

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[ACCI-CAVIE] L’Union européenne (UE) offre un modèle d’intégration économique et financière réussie pour ses États membres. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en revanche, se heurte à des défis spécifiques au continent africain, freinant sa transformation en une réalité économique et financière tangible pour les 54 pays de l’Union africaine (UA).

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est un projet de zone de libre-échange en cours de création avancée sur l’ensemble du continent africain. Si elle se concrétise, elle doit regrouper la zone tripartite de libre-échange, qui doit inclure les zones économiques africaines : le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), avec d’autre part la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union du Maghreb arabe et la Communauté des États sahélo-sahariens.

L’objectif du projet est d’intégrer à terme l’ensemble des 54 États de l’Union africaine au sein de la zone de libre-échange.

Mais du rêve d’une intégration pleine et entière à la réalité, le chemin est encore long.

Le doute

L’euphorie des premiers instants, quand la décision de lancer le projet de zone de libre-échange continentale est prise en janvier 2012, lors de la 18e session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine, a cédé la place au doute avec la lenteur que l’on observe dans la mise en place effective des mécanismes de la ZLECAf.

Les concessions tarifaires préférentielles et les règles d’origine, conditions minimales d’une zone de libre-échange, semblent être l’un des principaux écueils contre lesquels butent ce projet panafricain. L’agenda du commerce des marchandises comprend d’autres questions importantes telles que les normes (normes sanitaires et phytosanitaires, et obstacles techniques au commerce), la gestion des douanes et des frontières, la facilitation des échanges et les dispositions en matière de transit. Les règles d’origine préférentielles – toujours en négociations – jouent un rôle de « porte d’entrée » dans une zone de libre-échange. Ce n’est que si les règles d’origine sont respectées que les biens entreront sur un marché à un taux de droit préférentiel.

La ZLECAf devait avoir son effectivité depuis l’année 2017 mais les mesures procédurales de mise en œuvre ont pris plus de temps que l’on ne pensait. Car c’est seulement, en juin 2015, à Johannesburg (Afrique du sud), lors de la 25e session ordinaire de la Conférence de l’Union africaine, que le processus de négociation est lancé. Des décisions importantes ont ainsi été prises fixant les objectifs, les principes et la feuille de route pour créer cette zone franche.

Les réserves du Nigeria, première économie d’Afrique

On pensait alors que la zone allait être dans les temps quand, en février 2016, le premier forum de négociations de la zone de libre-échange continentale a lieu à Addis-Abeba en Éthiopie. Le même mois, une réunion s’était tenue à Abidjan pour préparer ce forum, regroupant, en plus des communautés économiques régionales listées ci-dessus, des membres des Nations unies, de l’Union africaine, de la Banque africaine de développement (BAD) et des membres de la société civile. Le processus portait vers l’optimisme puisque le concours des Nations unies et de l’Union africaine avait permis d’accélérer les préparatifs, avec la tenue d’un deuxième forum de négociations, en mai, 2016, pour définir les contours de la ZLECAf, mais, surtout, la signature, le 21 mars 2018, par 44 pays, lors d’un sommet à Kigali de l’acte de naissance de la ZLECAf. Quelques autres pays, dont le Nigeria, la première économie d’Afrique et pays le plus peuplé du continent, avaient émis des réserves et remis à plus tard leur adhésion à cet important projet.

Mais avec la ratification de 7 États sur les 22 nécessaires pour sa mise en place, le seuil des 22 États est atteint le 29 avril 2019. Une autre bonne nouvelle allait rendre le processus plus évident, quand, le 7 juillet 2019, le Nigeria et le Bénin signent l’accord de libre-échange lors d’un sommet de l’Union africaine à Niamey, au Niger, portant à 54 le nombre des pays signataires. L’Érythrée devient le seul pays africain à n’avoir pas rejoint la ZLECAf. Les ratifications allaient alors se suivre au bonheur des initiateurs de ce projet d’intégration économique africaine : la Tunisie et le Lesotho (30 novembre 2020), le Cameroun (01 décembre 2020). En août 2020, le Secrétariat de la zone de libre-échange est inauguré à Accra au Ghana.

Le 1er janvier 2021, la ZLECAf est mise en place pour les pays ayant ratifié l’accord, alors que cette mise en place était initialement prévue pour le 1er juillet 2020, mais elle a été retardée à cause de la pandémie de Covid-19.

En octobre 2022, la ZLECAf met en place la Guided Trade Initiative (GTI), une initiative qui vise à tester les différentes procédures relatives au commerce dans la zone. Une centaine de produits sont sélectionnés mais seuls 8 pays participent à cette initiative.

La ZLECAf, une opportunité exceptionnelle et un défi majeur

 La ZLECAf est une opportunité majeure pour l’Afrique, mais sa mise en œuvre sera « un défi de taille », note un rapport qui identifie un large éventail de facteurs à même d’assurer sa mise en œuvre réussie. Outre l’élimination progressive des barrières non-tarifaires, « il sera de plus en plus important, lors de sa mise en œuvre, de combler le déficit d’infrastructures, qui a constitué un obstacle majeur à la croissance économique et à l’expansion du commerce intra-africain », relèvent encore les auteurs de ce document.

A long terme et pour tirer pleinement parti des opportunités économiques de la zone de libre-échange continentale, les décideurs politiques devront adopter des politiques de soutien pour encourager la transformation structurelle. De plus, dans un grand marché comme la ZLECAf, un système d’information sur le commerce qui fournit aux décideurs, importateurs, exportateurs, détaillants et investisseurs des données détaillées actualisées est crucial, pense-t-on. Plusieurs études d’impact ont été menées sur les effets économiques de la ZLECAf. Elles font, toutes, état d’une croissance substantielle des flux commerciaux intra-africains et d’effets positifs sur le PIB et le bien-être des pays membres.

Malgré cet optimisme, l’impression de faire du surplace vient sans doute du fait que l’un des principes directeurs de la ZLECAf est la préservation de l’acquis (Art. 5). Ce principe de l’accord de création de la zone libre-échange signifie qu’il faut s’appuyer sur ce qui existe. Dans le contexte des phases II et III, cela signifie qu’il faut s’appuyer sur ce qui a été réalisé ou existe dans les communautés économiques régionales (CER). Une façon de faire du neuf avec de l’ancien !

La Rédaction (avec MS et CA)